On a rencontré Banksy… enfin presque

7 Posté par - 20 septembre 2016 - Articles, INTERVIEWS

Il y a presque 3 ans aujourd’hui une nouvelle venait secouer les internets: Banksy serait à Paris.

Rappel des faits

Octobre 2013, Banksy investit les rues de New York avec une session baptisée « Better Out Than In« . L’engouement des habitants de la « grosse pomme » ainsi que d’internet est total.

La folie s’empare alors des badauds qui posent à côté des oeuvres et organisent une chasse à l’homme. Certains font payer les amateurs pour pouvoir poser à côté d’une réalisation de l’artiste de Bristol.

D’autres s’emparent littéralement des oeuvres et les revendent (le Sphinx notamment).

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En bon trublion, l’artiste va même jusqu’à vendre des tableaux dans la rue pour quelques dizaines de dollars, mais à ce moment personne ne savait que c’étaient des originaux.

A l’époque, un site est mis en ligne sur lequel on retrouve chaque jour une oeuvre. Accompagnant le site, une page Facebook, un compte Twitter et Instagram sont également mis en place.

Puis le mois d’octobre se termine. Novembre se passe. Et un lundi 2 décembre 2013, on a de nouveau des nouvelles de Banksy. Il serait à Paris…

Sur Twitter je vois passer une première photo:

Le même processus

Comme pour « Better Out Than In », pour « Back to the Roots » il y a un site, réplique parfaite de celui réalisé pour New York, un compte Instagram et Twitter.

Pas de doutes Banksy est à Paris ! Enfin c’est ce que pensent beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux ainsi que dans les médias.

De nature méfiante, nous décidons d’écrire un article nommé BANKSYGATE : LES MOUTONS SONT DE SORTIE.

Peu à peu l’histoire se tasse et plus de nouvelles.

Personne n’a jamais su qui était derrière ce coup, jusqu’à un certain jour d’août 2016.

Qui se cache derrière « Back to the Roots » – « Banksy à Paris » ?

Un soir dans un bar avec des amis on me présente un mec. On discute de tout et de rien et au fur et à mesure des whisky-Coca il m’avoue qu’il est derrière le « canular » « Back to the Roots ».

Rendez-vous est pris quelques jours plus tard pour l’interviewer de manière plus sobre.

Le jeune-homme est un artiste nommé Emar. Il nous explique qu’à l’époque il a découvert le Street Art 7-8 mois avant que Banksy ne fasse son travail à New York.

Originaire de Normandie, il ne connaissait rien à ce milieu mais s’est pris une claque avec Banksy.

Inspiré par l’artiste, il se décide lui aussi à sortir dans les rues avec son crew pour peindre les murs de sa ville.

« Un soir je me dis: Et si on se prenait pour Banksy ? Pourquoi pas aller sur Paris. J’ai commencé à réfléchir et à essayer de me mettre dans la tête de Banksy. Si j’étais lui et que j’arrivais à Paris, qu’est-ce-que je ferais ?

En une semaine avec mon frère, on a fait le site et créé le compte Instagram. On a tout calqué sur ce qu’il avait fait à New York en faisant attention à la confidentialité sur OVH pour ne pas se faire griller. On a tout fait sur Thor. Pour la petite histoire, sur Instagram au début nos posts étaient localisés chez nous en Normandie. C’est de là-bas qu’on postait. On a vite enlevé la localisation quand on s’en est rendu compte.« 

Oui d’ailleurs tu peux nous dire qui est ce Takihiro Nakamura propriétaire du nom de domaine chez OVH ?

« Oui, c’est juste une dédicace à un de mes potes japonais.« 

Et pourquoi « Back to the Roots » ?

« C’est par rapport à Blek le Rat et Ernest Pignon Ernest. Le retour aux sources des inspirations de Banksy. Car à New York c’était plus un hommage au graffiti pour moi. »

L’aventure parisienne

« On est arrivé un samedi matin sur Paris avec notre matériel, c’est à dire des cartons de chez Aldi pour les pochoirs et le nécessaire pour réaliser ce qu’on avait en tête. Je ne connaissais pas trop Paris, je n’y avait jamais passé plus de deux jours d’affilé. Là on est resté trois jours le temps de faire des repérages et de poser.

Pour la première oeuvre « So Cliché » il fallait un truc bien français, bien franchouillard. C’était un foutage de gueule assumé dès le départ. Il fallait faire un grand pochoir à taille humaine. On avait laissé une bouteille de vin ouverte aux pieds du pochoir.

Pour la deuxième oeuvre « Les rats de l’Opéra » c’était un clin d’oeil à l’Opéra Bastille juste à côté, et au french-cancan. De nouveau des clichés.

Mais c’était également un clin d’oeil au parisien Blek le Rat que Banksy aime beaucoup.

Pour la troisième oeuvre « Feed the pigeons » le titre était de nouveau assumé. On voulait montrer une polyvalence dans nos compétences.

C’était toujours dans une logique de jouer avec les médias. On avait laissé un indice dans le chapeau de l’homme en scotch: « Banksy » de marqué au marqueur sous le chapeau.

Des journalistes sont arrivés dans le square et ont demandé aux jardiniers s’il avaient vu quelque chose concernant ce personnage. Ils répondirent qu’une fille l’avait déposé là.

Il y a eu une quatrième oeuvre qui était un poème sur une poubelle mais elle n’est jamais sortie. On n’était pas satisfait du résultat. »

Internet et les médias

Tu parles d’un jeu avec la presse. Tu peux nous en dire un peu plus concernant les relations que vous avez entretenu avec ces derniers et si vous vous attentiez à un tel accueil ?

On ne s’attendait pas à un tel retour. Pas à ce niveau. Sur le réseaux sociaux oui mais à ce point avec les médias nan. C’était la folie.

Lundi 2 décembre au matin, mon frère, qui avait le mail de plusieurs médias, leur écrit en disant « Tiens Banksy serait à Paris avec la photo « So Cliché »".

Trente minutes après, le journaliste indépendant David Chapelle relaie l’info sur Twitter et ça commence à prendre vers 10h du matin.

Je savait que les connaisseurs allaient piger que ce n’était pas Banksy, mais pendant ce temps la toile s’enflammait. 

A 13h, les Inrocks démentent le fait que Banksy soit à Paris après avoir contacté son agent.

En parallèle, Bourdin, La Nouvelle édition et Le Before de Canal+, cherchent à nous contacter.

A la fin de la journée, on avait comptabilisé plus de 80 000 visites sur le site.

Les jours d’après, notre travail se propageait à l’étranger.

On refusait de prendre contact directement avec les médias, on souhaitait rester anonyme.

Et puis on commence à troller Chapelle (ndlr: le journaliste indépendant). On lui envoie un mail intitulé « Faut-il croire ce qu’on lit dans les médias ? » accompagné d’un teaser du mec en scotch.

David Chapelle relaie aussitôt le mail sur Twitter et se fait troller à nouveau.

Mardi 3 décembre, on publie la vidéo avec le mec en scotch et les pigeons.

Le mardi soir, on envoie à différents journalistes un mail avec les positions de certaines caméras qui sont consultables en temps réel par tous les internautes.

On leur donne rendez-vous à l’une d’entre elles en leur disant pour l’un, d’apporter un parapluie noir et pour l’autre, de venir avec une casquette rouge en leur promettant une interview exclusive.

Les journalistes s’exécutent et se rendent au point de rendez-vous. Nous n’y sommes pas allés mais nous les avons regardé depuis notre ordi.

On a juste joué avec eux. Rien de méchant, on leur donnait ce qu’ils avaient envie d’avoir. »

Avec le recul comment tu vois tout ça ?

« Pour moi c’est le plus gros canular concernant Banksy. Je suis même étonné qu’on soit les seuls, à ma connaissance, à l’avoir fait.

Banksy a dit « Si ce que j’ai fait à New York a donné envie à des jeunes de sortir dans les rues pour s’exprimer, tant mieux ! » . Et moi je l’ai pris comme ça tout simplement.

Il a d’ailleurs mis en screenshot la page de notre site pendant 3h sur sa page Facebook de l’époque. Le message est donc bien passé et il a apparemment apprécié la blague.

 

Je me suis rendu à Dismaland (ndlr: exposition de Banksy) et un type d’environ 40-45 ans avec une clope ou un pétard vient me parler et me conseille d’aller vers le château car il y a moins de monde que c’est plus sympa et s’en va. Je l’interpelle à mon tour et lui demande s’il est Banksy. Il sourit et remet sa capuche.

Je ne sais pas si c’était lui mais ça m’a marqué. »

L’après…

« Après cette aventure je suis parti pendant deux ans à Londres. J’ai continué à faire des pochoirs, des graffiti, des scènes de crime…

De retour en France, je continue avec comme angle dans mon travail les médias, internet, les réseaux sociaux. Rendre à internet ce qu’il a donné au Street Art.

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J’ai une vision « open-source » du street art, tous mes pochoirs sont dispos gratos sur le site, histoire de rendre accessible à tous ce que je fais dans la rue. ».

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Emar sur Facebook et Instagram.

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