Un oeil dans la rue

Liker de haters et vice versa…

Après quelques années de vagabondage sur les internets, un phénomène de plus en plus présent me taquine la rétine. Outre les billets ou statuts bien pensants sur certains blogs ou réseaux sociaux tel que Facebook, une certaine bienséance hypocrite frappe certains mouvements artistiques.

Prenons, le microcosme « Street Art parisien », frappé du syndrome « Bisounours ».

Un syndrome « traitre » dès lors qu’il ôte ou proscrit toute remarque/sens critique un tant soit peu constructif. Une pratique qui fatigue, en premier lieu, l’amoureux défendeur d’une culture qui s’est à la base construite, en partie, sur la compétition, le clash et la sueur. Le « c’est vraiment génial, j’adore ce qu’il fait » et autres superlatifs ont finalement supplanté  la prise de recul et l’analyse.

Prenons le cas d’un vernissage d’un « artiste X ». Que et qui draine-t-il ?

A s’y méprendre, je n’attaque pas le public qui suit corps et âme son street artist préféré -parfois sorti d’une pochette surprise-, et qui se voit catapulté, après quelques mois de collage « vandal » dans les rues de la capitale, en galerie avec des œuvres s’écoulant à plusieurs centaines d’euros. C’est cool pour lui me direz-vous et je vous répondrai « oui allez pourquoi pas ?! ». Mais nan ce n’est pas cool, ce n’est pas cool pour ce que d’autres ont mis des dizaines d’années à construire que ce soit en terme de culture, de respect ou encore d’intégrité.

Street Art, un terme galvaudé

« Intégrité », un mot/un concept qui fâche, car si le public n’est pas forcément le premier à blâmer, c’est l’artiste, mais aussi le galeriste qui connaît parfois mal son milieu, qui est le premier responsable de cette prostitution. Ne voyez pas par là un sectarisme ou un purisme à deux balles, car avec le temps j’en ai mis de l’eau dans mon vin, mais plutôt une peur viscérale de voir ce que j’aime tant, s’éteindre.

Ami street artist, si tu lis ces lignes et que tu te sens concerné c’est sûrement un bon point.

L’artiste voit la galerie comme une fin, la rue et la potentielle reconnaissance qui l’accompagnerai, reste le moteur et LA véritable galerie. Car au risque d’en choquer certain(e)s, la vraie place du Street Art se trouve dans la rue et pas en galerie.

Il ne faut pas confondre street artist et personne qui s’expose dans la rue et s’en sert pour jouer sur une méconnaissance ou une ambigüité. Car le Street Art c’est une philosophie qui vient de loin, c’est tout un univers et des codes identitaires, qui ne s’apprennent pas dans les livres ou sur le net. Street Art, un terme finalement galvaudé, qui veut tout est rien dire à la fois dont beaucoup profitent… 

La starification de l’artiste au dépend du message

Cette réflexion nous amène indubitablement sur cette nouvelle mode consistant à enlever toute part de mysticisme, de secret et de discrétion qui fait, à la base, tout le charme d’un mec s’exprimant dans la rue. Mise en scène (à outrance) sur Facebook, Instagram ou Youtube de (sans citer noms) Kidult, JR…, ultragéolocalisation,  enlèvent le côté surprise et sérendipité du truc. C’est le syndrome de l’artiste qui passe avant son œuvre, la « starisation » en quelque sorte.

Petite parenthèse, quand Kidult nous gratine de son Visual Dictatorship, tout le monde le relaie, des blogs lifestyle au sneakers addict, clamant le génie du bonhomme, qui va bien dans le milieu bobo dans lequel évolue le blogueur, sans recul ni analyse. Bah nan suis-je bête le mec à déjà tout dit hein !

Des livres pour devenir street artist, des tutoriels, des artistes qui filment et photographient leurs moindres faits et gestes, lient aujourd’hui intimement l’artiste à ses fans.

Alors oui, avec l’art urbain on a plus ou moins cassé les codes et la mise à distance de l’Art, mais est-ce pour autant positif que de les supprimer totalement ou du moins de jouer une transparence à tout prix ?

La marchandisation de la rue

Avec donc l’engouement de l’art urbain, le couple artiste-œuvre devient marchandise. Du magasin « galerie », non sens total, Ophite le Roi du panneau, à ceux qui tentent désespérément de vendre par correspondance leurs œuvres, s’enfermant dans un système consumériste, on est loin de l’éphémère que certains continuent de prôner avec culot. C’est l’argent qui devient « l’intéressant » moteur.

Du coup la pertinence de l’artiste est supplanté par sa propension à vendre, autrement dit, plus on vend, plus on est reconnu. Ce qui est vrai pour le milieu de l’art ne l’est pas forcément pour le milieu de la rue, à la base premier juge/public d’un graffeur, d’un colleur…

Étonné, je le suis également quand sur des pages Facebook, je vois des statuts disant que le vandalisme, le pillage et autre des œuvres dans la rue est une honte. J’ai envie de les secouer au nom de la loi de la rue ! Quand on s’expose et qu’on évolue dans la rue on l’accepte dans sa globalité avec ceux qui aiment, ceux qui n’aiment pas et les opportunistes, sans jouer les vierges effarouchées.

Au final ce billet n’est pas une vérité absolue sinon le partage d’une vision, parfois un peu extrême, mais non gratuite, juste un ras-le-bol de ceux qui utilisent la rue sans la connaître ni la respecter.



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