Un oeil dans la rue

Les cris des murs

Initialement écrit pour Shoes Up, je partage avec vous mon expérience dans les rues égyptiennes.

Il y a des pays dont on a peu, voir pas l’habitude de parler lorsqu’il s’agit de Street Art et l’Égypte en fait partie. Pourtant l’association graffiti/Égypte  ne date pas d’hier. Avec les différentes invasions que le territoire a connu, on retrouve sur de nombreux sites la présence de graffitis (au sens premier du terme) datant des 18ème et 19ème siècles.

Cependant le pays n’est pas (re)connu pour être un endroit où la population choisit les murs pour s’exprimer et dénoncer les maux de la société. Est-ce culturel ou par peur de l’autorité, quoiqu’il en soit là où en France l’esthétisme (et la mode ?) supplante de plus en plus le message, pratiquer la bombe, le pochoir ou la peinture dans les rues égyptiennes est un acte risqué, lourd de sens et de conséquences.

Début 2011 un vent de révolte soufflait place Tahrir gagnant peu à peu tout le pays. Initiée en Tunisie dès 2010, le Printemps Arabe a mis fin à de nombreuses dictatures permettant aux peuples de s’exprimer. Un an et demi après, les rues portent toujours les traces de ces événements comme une fierté, comme si personne ne voulait oublier. C’est en me promenant dans les rues de Louxor, au fond d’une voie sans issue que mon œil fut attiré par une concentration de pochoirs.

Noir, bleu, vert et beaucoup de rouge ressortaient. Une galerie à ciel ouvert bizarrement située dans un cul de sac. En réalité le lieu n’est pas anodin car nous sommes devant l’entrée de l’école des beaux arts et ces pochoirs sont l’œuvre d’étudiants révolutionnaires.

On fait ici  dans le pochoir coup de poing, dans le message et la symbolique. Des portraits de Moubarak, couché, comme mort, derrière les barreaux, des militaires, des policiers, à coté des phrases préconisent la peine capitale et le jugement des titans pour ces derniers. Au milieu de tout cela émerge le visage d’un Ché aux couleurs de l’Égypte.

Dans les rues il n’est d’ailleurs aujourd’hui pas rare de voir des jeunes porter un t-shirt à l’effigie du Ché. Un autre dessin montre un cobra trônant au somment d’un immeuble.

L’immeuble en question est en fait le bâtiment de la télévision égyptienne, le serpent signifiant qu’à l’intérieur de celui-ci il y a du poison mortel. La colère envers les politiques, l’autorité et les médias sont les principaux sujets auxquels s’attaquent ces justiciers des murs. Un peu plus loin changement de style et de technique mais pas de sujet.

D’un énorme écran de télévision sur lequel on peut lire que les médias sont achetés, à une silhouette derrière les barreaux, les dessins à la peinture sont ici plus naïfs dans le style mais pas dans le contenu.

Outre les peintures et les pochoirs, pendant la révolution beaucoup de vers et de poèmes étaient inscrit sur les murs en solidarité et pour encourager le peuple à résister.

Il y a même la récupération de certains codes occidentaux comme le fameux A.C.A.B (All Cops Are Bastards) que l’on peut lire sur une artère principale de la ville d’Assouan.

Durant la révolution, internet fut un important et décisif relais médiatique pour les habitants des pays arabes. C’est ainsi qu’on trouve également une tête d’anonymous à côté de laquelle est écrit « Idea never die » (Les idées ne meurent pas).

Non loin, sur un mur d’un blanc éclatant, une œuvre fini par attirer toute mon attention. A travers la fissure d’un mur, un visage tente de voir ce qu’il se passe derrière. La révolution a fait tombé les murs et ce visage est celui du peuple égyptien qui tente d’entrevoir la liberté.



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