Autour du pot avec Chifumi

1 Posté par - 13 juin 2014 - INTERVIEWS

« Né à Kiev et a grandi dans le fossé rhénan, l’activité de Chifumi est caractérisée par une investigation systémique des codes et morales régissant la situation dans laquelle il évolue. En total produit du contexte l’englobant, il s’impose dans les rues, sur les corps ou encore les espaces délaissés à travers son chemin. « Errer, déambuler en suivant les signes et mon intuition est la base de ma pratique et de mon processus de création,  j’aime être libre de transformer en surface sensible tout élément inclus sur le territoire où j interviens ».

Dans la série « Mains Urbaines », l’artiste explore les tensions existantes entre la pratique du graffiti et les dialectiques induites par ses différents niveaux de lectures. Ou comment un mouvement pluridisciplinaire riche et pure mêlant peinture, performance, installation ou encore architecture a été (en France) victime de son contexte et de sa situation intimement liée avec celle de la chute des utopies. Un ensemble de codes et d’expressions de la violence que Chifumi « s’amuse » à décortiquer pour les assimiler à sa pratique, à travers le détournement et la singerie. Autant de formes qui deviennent essentiels pour l’artiste, établissant les bases de son vocabulaire.

Au travers de la traduction sémantique, Chifumi utilise le voyage comme une forme d’expression propre en sois, aux racines mouvantes et en perpétuelles augmentation. »

C’est en lisant ceci que nous avons voulu en savoir un peu plus sur Chifumi et son travail dans les rues. Nous lui avons donc posé quelques questions afin d’éclairer notre lanterne.

Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

CHIFUMI. Salut, j’interviens dans les rues des villes où je me promène sous le nom de Chifumi. J’ai grandis à Mulhouse, ville où Bukowski aurait pu se sentir à l’aise (moi aussi à vrai dire). C’est lors de mes études aux Beaux Arts que j’ai commenceré à réfléchir sur la ville, ses contraintes mais aussi les intéractions possibles à travers différentes interventions urbaines.

Série Wordart : Mulhouse Nik Tout, Nik La BAC, Fuck, référence au rappeur LIM, dans cette série on sent beaucoup d’engagement ! Quel est le fin mot de l’histoire ?

CHIFUMI. C’est moche à dire mais quand on regardait de plus près le paysage graffiti et Street Art de l’époque dans ce coin là de la France, c’est à peu prêt tout ce qu’on voyait. Les belles fresques colorées et les traits qui tuent au premier regard c’était réservé aux autres villes. L’idée de ma série était de rebondir sur la base existante, de triturer des éléments ensembles jusqu’à les rendre plus absurdes qu’ils ne le sont déjà.

Urban Hacking : Avec tes « Jeudis gratuits » et « Affichage libre », les mairies doivent te considérer comme un petit casse-couilles ?

CHIFUMI. Ces oeuvres correspondent à un moment où je lisait beaucoup des auteurs tels Hakim Bey, Henry David Thoreau ou encore Julien Coupat. Par exemple l’oeuvre « Jeudis gratuits » puise ses racines dans l’esthétique relationnelle car pour moi l’oeuvre n’est pas ces tickets contrecollés sur les horodateurs. Mais le fait que les usagers soient amenés à se poser des questions, discuter entre eux pour ne pas tomber dans le piège. C’est l’ensemble des usages qui seront faits qui définissent l’oeuvre.

Après, oui ! Il y a un côté bête et méchant du mec qui ricane de sa vanne. Mais que pensent les municipalités des graffeurs et activistes urbains en général ?

Auto-dérision, critiques, comment te sens-tu dans le milieu Street Art ?

CHIFUMI. C’est un milieu où je ressens beaucoup d’ego. C’est d’ailleurs pour ça que j’avais commencé les séries m’autoproclamant « pire street artiste ». Sur l’exemple du « clash » en hippy hop, où tu rajoutes « one », « oner » ou des couronnes en tous genres sur ton blase. Là j’ai tout simplement voulu faire l’inverse, voir ce qu’il se passerait si tu marches dans la rue et voir des oeuvres souffrant de complexe d’infériorité.

Tout ça sous l’angle de l’humour, car je suis de près le travail de beaucoup d’artistes urbains et cela reste une très grande source de motivation au quotidien. Je suis très étonné de voir les chemins que prennent certains et la facilité d’adaptation générale du mouvement.

Actuellement tu es au Cambodge, pourquoi ? Peux-tu nous parler de ton projet « Mains Urbaines » et notamment ta peinture Echec ?

CHIFUMI. Au final c’est sur ce projet que je passe le plus de temps. Ca a commencé lorsque j’étais aux Beaux Arts. Je me suis vite rendu compte que peindre dans la rue était bien plus rempli de sens pour moi que d’accrocher des oeuvres en white cube. Les situations, les lieux de vie du quotidien ou encore le fait de pouvoir influencer les spectateurs urbains, voilà ce qui m’a toujours motivé. Mais j’ai vite déchanté lorsque j’ai réalisé que peindre ou afficher dans la rue était perçu comme du vandalisme alors que mes intentions étaient tout autres. Les mains se sont imposées d’elles même lorsque j’ai imaginé comment peindre la façon dont était perçu mon travail: acteur de l’échec des utopies pleinement assimilé à l’esthétique du ghetto. Depuis, je peins des mains comme des signes de gangs américains: ultra violentes et exagérées comme les fantasmes auquels se raccrochent les gens au sujet du graffiti.

L’oeuvre « Echec » à été assez importante dans l’évolution de ma démarche. C’était la première fois qu’un centre d’Art m’invitait à exposer un pièce. A l’époque j’étais plus radical, j’ai peins une scène de hold-up comme si une oeuvre de Street Art n’avait rien à faire dans un lieux pareil: institutionnalisée et protégée. L’activiste précaire contre l’Art encadré ?

En quoi les voyages sont importants pour toi ?

CHIFUMI.  »Un Art du contexte » titrait Paul Ardenne et si l’on rajoute la notion de néo-nomade on arrive à une sorte d’hybride du voyageur / artiste. Mes oeuvres font écho avec les situations dans lesquelles elles sont implantées. La résonance est au coeur de mon processus de création et cela m’oblige à évoluer et décloisoner mes oeuvres grâce au voyage. Au travers des différences culturelles et de la traduction sémantiques, l’inspiration vient très facilement.

Quand on regarde tout ce que tu as réalisé et qu’on réfléchi un peu, on se rend compte que tes oeuvres sont la partie emmergée de l’iceberg et qu’au final les messages vont beaucoup plus loin et qu’en ressortent des problématiques plus complexes qu’il n’y paraît. Tu analyses beaucoup mais ceux qui te suivent doivent analyser, réfléchir.

CHIFUMI. Quand je regarde le « carré noir sur fond blanc » de Malévitch, j’y vois un carré noir sur fond blanc. Je trouve ça beau et puis basta. Difficile à dire si mon travail trouve profondeur chez les spectateurs, mais j’aime apposer plusieurs niveaux de compréhension.

Des projets à venir ? Des voyages ?

CHIFUMI. Je rentre du Népal, incroyable tant par la diversité des cultures et le brassage ethnique. Dur de rester en place après tant d’inspirations :D

L’année prochaine je prépare un gros projet sur un an, à mi chemin entre Street Art, érémistisme et cyclisme. A suivre :D

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